Chers amis,
Il me revient de vous adresser mon traditionnel mot d’accueil, qui va différer de quelques minutes les délices de la table, dans ce cadre historique du Jockey-Club, ce prestigieux cénacle qui, composé d’une poignée de Gentlemen, créa il y a quelque 180 années l’institution des courses françaises et est le frère aîné du Club des Gentlemen-Riders, lui-même presque centenaire.
On m’a alerté sur ma propension à faire des discours trop longs, mais je ne garantis rien dès qu’il s’agit du thème « défense et illustration des courses de Gentlemen et de Cavalières ». C’est l’écho du dicton selon lequel – je cite – « le cheval peut vous mener très loin, parfois trop loin ».
Je vous remercie d’avoir été aussi nombreux à répondre à l’invitation de notre dîner de gala annuel.
Quelques absents de marque m’ont demandé de vous transmettre leurs regrets de n’avoir pu être des nôtres ce soir.
Je citerai en tout premier lieu M. Edouard de Rothschild, Président de France Galop.
Je citerai M. Elie Hennau, Président de la Fédération Internationale des Gentlemen-Riders et des Cavalières.
Je citerai M. Louis Romanet, Président de la Fédération Internationale des Autorités Hippiques, lui aussi toujours de cœur avec nous.
Et puis je citerai comme d’habitude, parmi les grands absents excusés, nos chers chevaux, à qui nous devons la .passion qui nous réunit aujourd’hui.
On dit que le cheval est la plus noble conquête de l’homme. C’est l’inverse. L’homme, le Gentleman surtout, est la plus noble conquête du cheval, qui est lui-même la perfection d’élégance et nous commande d’être aussi élégants que lui. Comme vous tous et vous toutes ce soir ici.
On dit aussi qu’on élève un cheval. C’est l’inverse. C’est lui qui nous élève ; nous le savons tous ici, qu’on ait monté une seule course ou 1.000.
Notre dîner est honoré de la présence de nombreuses personnalités, qui sont là pour témoigner de ces vérités.
France Galop est ici représenté par son Directeur M. Henri Pouret, ami du Club et lui-même héritier des valeurs que le Club essaie de véhiculer au mieux, au sein de ce milieu si professionnel. Henri Pouret est toujours déterminant, en son soutien de l’amateurisme, dans des conditions économiques très difficiles.
La Fégentri est représentée par Mme Nathalie Bélinguier, sa Présidente d’Honneur, qui a consacré une décennie à la cause de cette Fédération, comme Présidente, pour porter à 25 le nombre de pays qui désormais y adhèrent et contribuent à la crédibilité et au retentissement des Championnats du Monde des Amateurs – dont on fêtera certains lauréats de l’édition 2018 tout à l’heure.
Son mari M. Bertrand Bélinguier nous honore aussi régulièrement de sa présence et de son soutien. Qui peut mieux représenter les courses françaises, puisqu’il a été aussi bien PDG du PMU que Président de France Galop – soit les plus hautes fonctions dans les deux organismes sur lesquels repose l’Institution des courses en France ?
Nous sommes honorés pour la première fois de la visite du nouveau Président de l’Association des Jockeys, M. Thomas Huet. Tout Gentleman-Rider, toute Cavalière a nourri sa vocation dans la dévotion portée aux jockeys, pour vite comprendre que ce sont à la fois des grands sportifs et des artistes. Combien d’amateurs devront avouer avoir un jour affiché un poster de jockey au-dessus de leur lit – fut-ce à la place du crucifix ?
Les jockeys font face quotidiennement aux risques du métier. Nous, les amateurs, nous faisons face aux risques… du loisir. Cette nuance, M. Benoit Magnien la connait bien. Représentant la maison Gras-Savoye-Hipcover, qui assure nos membres, c’est un fidèle partenaire du Club, au sein duquel il a lié de fructueuses amitiés, qui lui doivent maintenant d’être éleveur et propriétaire de chevaux de course.
Je vous demanderai aussi à tous de saluer la présence, pour la première fois, de M. Arnaud de Courcelles, nouveau patron d’Equidia.
Le Club fournit des acteurs. Equidia rameute les spectateurs.
M. de Courcelles, vous percevrez (ou vous avez déjà peut-être déjà perçu) que le Club illustre tout particulièrement la dimension sportive des courses, avec cette particularité d’être pratiquée par des amateurs. Il y a assurément de beaux sujets pour Equidia à puiser dans le monde des Gentlemen-Riders et des Cavalières, car l’amateurisme démontre que les courses sont un milieu accessible – et non pas réduit à un inaccessible professionnalisme, comme tant de gens le croient.
Nous saluons aussi pour la première fois la présence de Mme Charlotte Pasternak, Directrice de la Communication du PMU, qui est notamment partenaire du Club comme sponsor du Championnat des Grandes Ecoles-Equitation de course, un étonnant vivier de futurs passionnés des courses, qui ne proviennent pas du sérail – passionnés et définitivement acquis à la cause des courses, justement parce que ce Championnat les a fait passer de spectateurs à acteurs.
Vous savez néanmoins que les courses font face actuellement à de gros défis – pour ne pas dire « déficits ».
Et les courses d’amateurs, dans tout çà, me direz-vous ?
Eh bien, je rétorquerai que, plus que jamais en ces temps difficiles, l’amateurisme est porteur d’avenir, face à ces défis – pour ne pas dire « face à ces déficits ».
Et que toute marginalisation de l’amateurisme porterait non seulement préjudice aux intérêts particuliers des pratiquants de ce sport – mais surtout à l’intérêt général des courses.
A nouveau, une énième fois, auprès des décisionnaires des courses, auprès des comptables de l’Institution, auprès des instituts d’audit, auprès des tutelles, je clamerai que les courses d’amateurs, c’est un investissement mineur pour un résultat majeur.
Un investissement mineur, effectivement ; car France Galop et son grand argentier le PMU programment à peine 220 courses d’amateurs par an, parmi les 7.000 qui se disputent au galop. Une goutte d’eau : 3 % du total. Dont un quart seulement qualifié de « Premium », soit moins d’1 % de l’offre PMU dotée de ce label, celle qui fait le gros du chiffre d’affaires.
Tout çà, pour un résultat majeur, au crédit de l’intérêt général de l’institution, à laquelle les courses d’amateurs apportent tant – et à moindres frais, je le répète.
Cet apport de l’amateurisme, c’est d’être un vivier extraordinairement fécond de grands et petits acteurs du monde des courses :
-des entraîneurs : il y a d’ailleurs parmi nous ce soir les deux ténors de l’obstacle, François Nicolle et Guillaume Macaire, entrés dans le milieu par l’amateurisme, comme l’ont fait, en plat, les André Fabre, les Jean-Claude Rouget, les Alain de Royer Dupré, les Carlos Laffon-Parias, pour ne citer qu’eux ;
-des éleveurs : tel parmi nous ici Gilles Forien, naisseur d’un gagnant de Derby d’Epsom – il n’y en a qu’un par génération, sur les quelque 100.000 naissances annuelles de pur-sang sur le globe ;
-des propriétaires, des co-propriétaires en nombre ;
-des responsables d’agences de ventes, des courtiers ;
-de multiples membres d’instances dirigeantes, aux niveaux local, régional et national de l’institution ;
-des Commissaires, et multiples bénévoles de terrain ;
-et, dans tous les cas de figure, des gens acquis à la bonne cause des courses, qui s’y investissent et amènent tous leur pierre à l’édifice…
Le capital commun à tous ces Gentlemen et Cavalières d’hier et d’aujourd’hui, à tous les membres du Club, c’est le capital-passion.
Certes ce « résultat majeur » attribuable à notre petit pré carré « amateurs » dans les programmes ne se mesure pas en euros. L’euro, c’est effectivement l’unité de compte des algorithmes qui dénoncent tout éventuel retard de rendement PMU des courses d’amateurs, par comparaison à celui des professionnels : de quoi nourrir une politique de marginalisation de nos courses, de leur mise à la portion congrue, si l’algorithme et l’intelligence artificielle étaient maîtres des décisions à France Galop…
Les manifestations de ce capital-passion, j’en suis le témoin tous les jours.
Tous ceux qui doutent de l’avenir des courses, je les invite à découvrir le potentiel considérable – je dirai même salvateur - de l’amateurisme. S’il y a des Saint Thomas, j’ai des thérapies pour eux.
Je les amènerai par exemple aux stages d’initiation à l’équitation de course, qu’organise le Club pour le Championnat des Grandes Ecoles. On y refuse du monde, faute de moyens. A ces étudiants, on offre l’opportunité de monter une course-école. Cela en fait à vie les meilleurs porte-parole des courses et de leur dimension sportive, ils évacuent tous les clichés qui affectent le turf. En 1 minute 40, des étoiles dans les yeux, ils deviennent nos plus convaincants et convaincus ambassadeurs.
Ces Saint Thomas et autres victimes du doute, je les amènerai aussi au Point to Point de Château-Gontier ; des courses sans allocations, des courses sans paris, disputées par des Gentlemen-Riders et des Cavalières, organisées par des bénévoles, qui font confluer des milliers de personnes sur l’hippodrome…
Je les amènerai sur le terrain des courses de poneys, qui connaissent un spectaculaire développement, bien compris par France Galop et par la toute jeune Association Nationale Les Poneys au Galop, qui fait face à une demande surabondante de grands hippodromes preneurs de courses de poneys…
Je les amènerai au contact de nos jeunes, Gentlemen-Riders et Cavalières passionnés, sur la scène de leurs exploits – ceux-là même dont vous allez applaudir les champions tout à l’heure.
Les financiers et les comptables des courses cherchent désespérément de l’or. L’or, il est là, chez nous ; c’est le capital passion.
Je m’aperçois que j’ai dépassé mon quota de feuillets. La passion, çà égare…
Alors je conclurai en disant comme tous les ans à ce pupitre depuis cinq ans – et à trois ans du Centenaire du Club -, deux points, ouvrez les guillemets : « la passion s’accroit à la mesure des obstacles qu’on lui oppose ». A cheval, en avant ! Que la fête commence ! Et vive le Club !